Excellent article qui suscite beaucoup d'intérogations

Qui profite d’avoir tué Charlie?

Des bougies sont placées près d'une affiche lisant "Je suis Charlie" et un crayon à La Rochelle le 7 janvier 2015, alors que les gens se sont rassemblés pour rendre hommage aux douze personnes tuées lors d'une attaque par deux hommes armés aux bureaux du journal satyrique français Charlie Hebdo, à Paris - Photo AFP/Xavier Leoty
Des bougies sont placées près d’une affiche lisant « Je suis Charlie » et un crayon à La Rochelle le 7 janvier 2015, alors que les gens se sont rassemblés pour rendre hommage aux douze personnes tuées lors d’une attaque par deux hommes armés aux bureaux du journal satyrique français Charlie Hebdo, à Paris – Photo AFP/Xavier Leoty
Par Pepe Escobar, le 8 janvier 2015
Un commando djihadiste au style professionnel livre une attaque en plein cœur de Paris. Cui bono?
Une préparation et une organisation minutieuses, des Kalachnikovs, un lance-roquettes, des cagoules, une veste à munitions couleur sable bourrée de chargeurs supplémentaires, des bottes de l’armée, une évasion facile à bord d’une Citroën noire…
Et le glaçage sur ce gâteau particulièrement mortel: un soutien logistique basé à Paris impeccable, pour tout mener à bien. Un ancien officier militaire de haut rang, Frédéric Gallois, a mis l’accent sur le fait de l’application parfaite des « techniques de guérilla urbaine » (où sont ces fameux « experts » en contre-terrorisme occidentaux quand vous en avez besoin?).
Certains ont affirmé qu’ils parlaient un Français parfait, tandis que d’autres ont soutenu que leur maîtrise de la langue était mauvaise et hésitante. Quoiqu’il en soit, ce qui importe est qu’ils aient prononcé le mot magique: « Nous sommes al-Qaeda. » Encore mieux, ils ont dit à un homme dans la rue: « Dites aux médias qu’il s’agit d’al-Qaeda au Yémen, » ce qui signifie, dans la terminologie US de la terreur, al-Qaeda dans la péninsule arabique (AQAP), qui avait mis l’éditeur/dessinateur de Charlie Hebdo (« Charb ») sur liste noire dûment promue par le magazine de luxe d’AQAP, « Inspire« . L’accusation: « Insulte envers le Prophète Mohammed« .
Et, histoire d’être sûrs que tous avaient bien enregistré les coupables, les tueurs ont également ajouté: « Allahu Akbar« , « Nous avons tué Charlie Hebdo« , et « Nous avons vengé le Prophète« .
Foreign journalists and other people hold placards that read "I am Charlie" during a campaign at a bookstore in Beijing
Affaire classée? Hé bien, il n’a fallu que quelques heures à la police française pour identifier les suspects (classiques?): les frères algériens Said et Cherif Kouachi. Le troisième homme, le chauffeur de la Citroën noire, apparemment le jeune Hamyd Mourad, 18 ans, s’est plus tard livré à la police avec un alibi en béton armé. Le troisième homme demeure donc un mystère.
Ils portaient tous des cagoules. Les frères Kouachi n’ont pas été capturés, mais la police semble très bien savoir qui ils sont. Parce qu’ils ont trouvé une carte d’identité abandonnée dans la Citroën noire (oh, les soucis d’être sur une commande pressée…). Comment se fait-il qu’ils n’aient rien su avant le carnage?
À point nommé, la bio’ de Cherif Kouachi a été diffusée dans tous les coins. Il était sur une liste de surveillance globale. Avec six autres, il avait été condamné en mai 2008 à 3 ans de prison pour « terrorisme »; en fait d’avoir livré une douzaine de jeunes Français via des madrassas en Égypte et en Syrie à nul autre qu’Abou Moussab al-Zarqaoui, l’ex-chef d’al-Qaeda en Irak tué-par-un-missile-US et père spirituel de Daesh/ISIS/ISIL.
Des journalistes slovènes tiennent des crayons et des pancartes lisant en français "Je suis Charlie" pendant un rassemblement en hommage aux victimes de l'attaque de l'hebdomadaire satyrique français Charlie Hebdo, le 8 janvier 2015 à Llubljana, un jour après que deux hommes armés aient tué 12 personnes dans une attaque islamiste aux bureaux éditoriaux de Charlie hebdo à Paris - Photo AFP/Jure Makovec
Des journalistes slovènes tiennent des crayons et des pancartes lisant en français « Je suis Charlie » pendant un rassemblement en hommage aux victimes de l’attaque de l’hebdomadaire satyrique français Charlie Hebdo, le 8 janvier 2015 à Llubljana, un jour après que deux hommes armés aient tué 12 personnes dans une attaque islamiste aux bureaux éditoriaux de Charlie hebdo à Paris – Photo AFP/Jure Makovec
Aussi à point nommé, un récit complet était prêt à la consommation de masse. Selon les « experts » de la police française, cela pouvait être une attaque « ordonnée depuis l’étranger et exécutée par des Djihadistes revenant de Syrie qui nous ont échappés, » ou cela pourrait être « des idiots banlieusards qui se sont radicalisés et ont concocté cette attaque militaire au nom d’al-Qaeda.« 
Jetez l’option 2, s’il vous plaît; c’était du travail de pro. Ne restant que l’option 1, ceci pointe tout droit vers – quoi d’autre – un retour de bâton. Oui, ils pourraient être des mercenaires de Daesh/ISIS/ISIL entraînés par l’OTAN (essentiel, la France aussi) en Turquie et/ou en Jordanie. Mais cela pourrait être un faux drapeau encore plus nauséabond. Ils pourraient aussi être des anciens ou des agents en activité des forces spéciales françaises.
Il fallait s’y attendre, les camelots de l’islamo-fascisme s’en prennent déjà à cœur-joie. Pour les simplets/trolls/hordes qui exhibent d’un QI de niveau sub-zoologique, en cas de doute, diabolisez l’Islam. C’est tellement commode d’oublier que des millions sans nombre depuis les zones tribales du Pakistan aux marchés urbains à travers l’Irak, continuent de ressentir la douleur dévaster leurs cœurs et leurs vies puisqu’ils sont les victimes sacrifiables de l’état d’esprit djihadiste – ou « culture de la Kalachnikov« , telle qu’elle est connue au Pakistan – qui a bénéficié à L’Occident directement ou indirectement, pendant des décennies. Songez aux attaques de drones rituelles de civils pakistanais, yéménites, syriens, irakiens ou libyens. Songez à Sadr City subissant un carnage dix fois plus grave que Paris.
Ce qu’a décrit le Président français François Hollande comme « un acte de barbarie exceptionnelle » – et il l’est – ne s’applique pas quand l’Occident, la France en première ligne, du Roi Sarko au Général Hollande lui-même, arme, entraîne et contrôle à distance un assortiment de coupeurs de têtes et de mercenaires de la Libye à la Syrie. Oh ouais, tuer des civils à Tripoli ou à Alep là il n’y a pas de problèmes, mais ne le faites pas à Paris.
Les gens observent une minute de silence à Istanbul le 8 janvier 2015 pour les victimes d'une attaque par des hommes armés sur les bureaux du journal satyrique français Charlie Hebdo à Paris le 7 janvier, qui a fait au moins 12 morts et plusieurs blessés - Photo AFP/Bulent Kilic
Les gens observent une minute de silence à Istanbul le 8 janvier 2015 pour les victimes d’une attaque par des hommes armés sur les bureaux du journal satyrique français Charlie Hebdo à Paris le 7 janvier, qui a fait au moins 12 morts et plusieurs blessés – Photo AFP/Bulent Kilic
Donc ceci, au cœur de l’Europe, est ce à quoi ressemble un retour de bâton. C’est ce que ressentent les gens au Waziristan quand une fête de mariage est incinérée par un missile Hellfire. Parallèlement, il est absolument impossible d’apporter du crédit à la notion que le réseau sophistiqué de contre-espionnage occidental n’ait pas vu venir ce retour de bâton – et été incapable de l’empêcher.
Bien entendu le réseau ultra-élaboré de contre-terrorisme occidental – si efficace pour nous dénuder dans tous les aéroports – l’avait vu venir; mais sur le terrain des guerres de l’ombre, « al-Qaeda » et ses légions de déclinaisons, y compris les « renégats«  de Daesh/ISIS/ISIL, sont utilisés autant comme armée de mercenaires que comme menace domestique commode « contre nos libertés« .
La pataugeoire intellectuelle US (Think Tankland), de façon également prévisible, s’occupe à raconter le scénario d’une scission « intra-musulmane » qui fournit aux Djihadistes beaucoup d’espace géopolitique à exploiter – tout ceci aspirant le monde occidental dans une guerre civile musulmane. C’est totalement ridicule. L’Empire du Chaos, déjà dans les années ’70, était occupé à cultiver la culture djihadiste/Kalachnikov pour combattre n’importe quoi, depuis l’URSS à des mouvements nationalistes à travers tout le Sud global. Diviser Pour Mieux Régner a toujours servi à ventiler les flammes « intra-musulmanes« , depuis l’administration Clinton faisant copain-copain avec les Talibans jusqu’au régime Cheney – avec l’aide de vassaux du Golfe Persique – approfondissant le schisme Sunnite/Chiite.
Cui bono, donc, d’avoir tué Charlie? Seulement à ceux dont l’agenda est de diaboliser l’Islam. Même une bande de fanatiques ayant subi un lavage de cerveau ne se livrerait pas au carnage de Charlie pour montrer aux gens qui les accusent d’être des barbares qu’ils sont, en réalité, des barbares. Le renseignement français a au moins conclu qu’il ne s’agissait pas là d’une affaire de bombe fourrée dans un slip. C’était un boulot de professionnel qui s’est déroulé tout juste quelques jours après que la France ait reconnu le droit à un état palestinien. Et juste quelques jours après que le Général Hollande ait demandé la levée des sanctions contre la « menace » russe.
Des gens sont rassemblés près d'affiches lisant "je suis Charlie" et des bougies placées sur le sol, après avoir observé une minute de silence au Vieux Port de Marseille le 8 janvier 2015, en hommage aux victimes d'une attaque par des hommes armés aux bureaux du journal satyrique français Charlie Hebdo à Paris le 7 janvier 2015 - Photo AFP/Anne-Christine Poujoulat
Des gens sont rassemblés près d’affiches lisant « je suis Charlie » et des bougies placées sur le sol, après avoir observé une minute de silence au Vieux Port de Marseille le 8 janvier 2015, en hommage aux victimes d’une attaque par des hommes armés aux bureaux du journal satyrique français Charlie Hebdo à Paris le 7 janvier 2015 – Photo AFP/Anne-Christine Poujoulat
Les Maîtres de l’Univers, qui jouent sur les vrais leviers de l’Empire du Chaos, flippent du chaos systémique dans le racket qu’ils avaient jusque là l’illusion de contrôler. Ne vous y trompez pas, l’Empire du Chaos fera ce qu’il peut pour exploiter l’environnement post-Charlie – que ce soit un retour de bâton ou un false flag.
L’administration Obama mobilise déjà le Conseil de Sécurité de l’ONU. Le FBI « aide » avec l’enquête française. Et comme un analyste italien le dit mémorablement, les Djihadistes ne s’attaquent pas à un fonds spéculatif vampirique; ils s’attaquent à un torchon satyrique. Ce n’est pas de la religion, mais de la géopolitique pure et dure. Qui me rappelle David Bowie: « Ceci n’est pas du rock’n’roll. C’est du suicide.« 
L’administration Obama s’est déjà mobilisée pour offrir une « protection » – de type Mafia – à une Europe de l’Ouest qui commence juste, tout juste à manquer d’assurance face à la « menace » russe pré-fabriquée. Et comme il se trouve, juste quand l’Empire du Chaos en a le plus besoin, la maléfique « terreur » pointe encore le bout de son nez.
Et oui, je suis Charlie. Pas seulement parce qu’ils nous ont fait rire; mais parce qu’ils ont été des agneaux sacrificiels dans des jeux de l’ombre beaucoup, beaucoup plus méchants, horribles et perpétuels.
Pepe Escobar est le correspondant itinérant du journal Asia Times/Hong Kong, un analyste pour RT et TomDispatch, et un contributeur fréquent de sites web et d’émissions de radio, des USA à l’Asie Orientale.

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